Workshop | Journée Internationale du Vivre Ensemble

Constitution de la Déclaration de Paris

Vendredi 19 mai 2017, Maison de l’UNESCO, Paris

 

Compte-rendu

 

AISA ONG Internationale a organisé le 19 mai 2017 un workshop à la Maison de l’UNESCO (Paris) en vue de rédiger et d’adopter une déclaration visant à promouvoir la « Journée Internationale du Vivre Ensemble » (JIVE).

 

Le workshop a réuni des personnalités qualifiées et des experts internationaux, des représentants politiques et religieux, des universitaires, des membres de délégations à l’UNESCO (Algérie, Egypte, Espagne, Etats Unis d’Amérique, Italie, Kazakhstan, Koweït, Liban, Monténégro, Nigéria), des responsables d’ONG internationales, des représentants de régions.

 

Le programme de la journée s’est articulé autour de 4 thèmes de réflexion :

 

Terrorisme, prévention de la radicalisation, sécurité et vivre ensemble

Développement durable, bien-être, droits de l’Homme, et vivre ensemble

Éducation, diversité culturelle, inclusion sociale et vivre ensemble

Mondialisation, inclusion économique et culturelle, nouvelles technologies et vivre ensemble

 

Le Cheikh Khaled Bentounes, Président d’honneur d’AISA ONG Internationale, associa la notion de « vivre ensemble » à celle du « faire ensemble » en repositionnant la centralité de l’humanité qu’il juge une et indivisible. Pour lui, dans un monde en perpétuel changement, tous doivent participer aux savoirs et aux avoirs sans se sentir lésés, chacun doit être comme une cellule vivante participant au bien-être du corps constitué par l’ensemble des cellules. Il invita à repenser notre vision du monde en l’associant non plus à une pyramide mais à un cercle où chaque point qui compose la circonférence se situe à égale distance du centre. Il nous rappela les chiffres sans appel du budget de la guerre, 1400 milliards de dollars, soit 13% de l’économie mondiale et déplora qu’il n’existe nulle part une « académie de la paix » pouvant nourrir l’espérance et l’amour.
 
Dans son discours introductif, Mme Angela Melo, représentante de l’UNESCO, a insisté sur l’ancrage nécessaire du vivre ensemble auprès de la jeunesse et au besoin impérieux d’une volonté du politique à promouvoir la paix et le développement durable. Elle rappela le rôle primordial des medias et en particulier d’internet afin qu’ils ne deviennent pas qu’une tribune au service de la violence.
 
Pour M. Driss Djazaïri, ancien Ambassadeur d’Algérie, certaines interprétations des textes sacrés (Ancien Testament, Coran) peuvent être utilisées en les sortant de leur contexte et en les manipulant à des fins obscurantistes. Il a jugé que la violence avait certes toujours existé mais que sa nature avait changé. Il a proposé une démarche en 6 points pour comprendre et dépasser cette violence :
- Reconnaître qu’il s’agit d’un phénomène universel, avec une conséquence qui elle-même est universelle.
- Chercher à comprendre la genèse de l’extrémisme n’équivaut pas à l’excuser.
- Ne pas confondre radicaux et terroristes car on ne doit pas contester la liberté d’opinion et d’expression.
- Admettre qu’il n’y a pas de panacée universelle et que chaque État doit trouver ses solutions spécifiques.
- Renverser la sémantique véhiculée par les médias.
- Faire connaître et reconnaître que toute civilisation est confluence d’universel et que si différence il y a, elle ne porte que sur la séquence.
 
Pour M. Dominique Reynié, Directeur de Fondapol (Fondation pour l’innovation politique), le terrorisme et la radicalisation ont une pluralité de causes et de crises, qui mènent à la situation actuelle. Il a rappelé que le monde est bouleversé et que selon les points de vue cela pourrait être une bonne ou une mauvaise nouvelle, car en fait le monde est unifié pour la première fois de son histoire. Selon lui, c’est parce que nous sommes de plus en plus ensemble que nous éprouvons des difficultés à « vivre ensemble » mais que cela reste malgré tout une bonne nouvelle. Ce monde nouveau bouleverse des situations d’une part ; mais d’autre part, il ouvre des opportunités. Il a rappelé qu’il y a moins de personnes mal nourries aujourd’hui qu’en 1950 ; que nous n’avons jamais été aussi nombreux mais que nous vivons mieux, que l’accès à la communication n’a jamais été aussi développé. M Reynié a insisté sur le lien existant entre les actions de terreur qui se sont développées et l’islam qui a été dévoyé par certains, nous rappelant que cela n’affectait pas la nature intrinsèque de ce dernier pour autant. Il a défendu l’idée qu’il faut permettre à la jeunesse de participer pleinement au modèle du vivre ensemble et de ne pas renoncer à ce qui fait nos convictions les plus profondes.
 
Pour M. Ibrahim Salama, Directeur de la division des traités au Haut-commissariat aux Droits de l’Homme, à l’ONU, le vivre ensemble a nécessité à devenir un projet concret après avoir été une recommandation puis un engagement. C’est plutôt au « comment vivre ensemble ? » qu’il faut porter nos efforts, les moyens étant aussi importants que l’objectif. Il insista sur la nécessité d’avoir recours à une pédagogie adaptée qui devra être pleinement relayée par la société civile.
 
Mme Marie-Luce Lafages, Secrétaire Générale de l’ONG Planète Action 21, a indiqué qu’en matière de « vivre ensemble » le discours du coeur prévaut, afin de sortir du discours technocrate et d’aller au mieux à la rencontre de l’autre. Elle opposa à la culture du « moi » celle du « nous » en invitant à mesurer tout l’impact positif que ce dernier pourrait avoir sur tous. Elle a défendu l’idée que « le vivre ensemble » prend sa racine dans un cercle vertueux du « chacun pour l’autre », reconnaissant, et de fait, respectant cette altérité qui peut nous être contraire, nous repoussant dans nos retranchements les plus profonds mais nous induisant en tolérance.
 
M. Abdelwahid Temmar, Wali de Mostaganem (Algérie), a indiqué pour la réalisation d’un « vivre ensemble » le besoin d’une « feuille de route » afin d’agir concrètement et d’arriver à un résultat effectif, tout en rappelant l’urgence du besoin dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de l’urbanisme.
 
Pour le Père Christian Delorme de l’archidiocèse de Lyon, il n’y a pas de « bien vivre ensemble » sans l’estime des autres et de soi-même, et l’estime de soi est une condition pour l’estime des autres. La non-estime constitue un terreau favorable à nourrir le radicalisme et le populisme. Pour travailler à l’estime de soi, il propose la mise en place de politiques d’urbanisme génératrices d’habitations dignes et valorisantes, d’éducation et d’accès à un emploi pour tous. Paraphrasant le Pasteur Martin Luther King, il a rappelé que « nous n’avons pas d’autre avenir que de vivre en frères, sinon nous mourrons tous comme des idiots ».
 
Le Professeur Mohamed Nadir Aziza, Président du Programme Med 21, a estimé que parler de vivre ensemble expose à deux dangers :
- les formules trop consensuelles,
- les désabusements cyniques, la real politique.
Il a invité à s’interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour arriver au vivre ensemble. Le Professeur Aziza a proposé d’identifier et de prendre conscience des facteurs de différenciation dès le plus jeune âge (garçon-fille, moi-l’autre,…), et a évoqué plusieurs oppositions, dans les sociétés contemporaines, telles que le quartier contre le quartier, la nation contre la nation…. Il a prôné un vivre ensemble par la transmission d’un socle de valeurs, par des actions de compassion et de partage. Il a rappelé le devoir de prendre connaissance des menaces climatiques, nucléaires, terroristes, mafieuses ou encore d’aggravation des inégalités, sans distinctions et sans frontières, afin de retarder l’ouverture de la boite de Pandore ou au mieux de la sceller définitivement. Il termina son intervention en citant le poète Hölderlin : « Là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve ».
 
Pour M. Patrick Busquet de la Fondation Hirondelle, nous vivons un rythme d’échanges continu grâce à la numérisation et à la robotisation qui nous a conduit à faire basculer le présent dans l’instantané. Les nouvelles technologies, notamment les réseaux sociaux, ont créé une prise de conscience d’une vie mondiale collective qui génère parfois des peurs incontrôlables. Nous sommes tous devenus des médias (entreprises, États, fondations, associations, universités, citoyens,…) et nous produisons des contenus. M. Patrick Busquet a fait une proposition en 3 points pour un meilleur vivre ensemble :
- Les acteurs de la société civile construisent et apportent des réponses ;
- Les acteurs publics les érigent à une dimension collective ;
- Les média les installent et les diffusent en animant un coaching social global et positif pour une information d’éveil de la population.
 

En fin de journée, une table ronde a réuni MM. Lakhdar Brahimi, ancien Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, William Heinzer, ancien journaliste à Radio-Télévision Suisse, Bernard Montaud, fondateur d’ARTAS, Leïla Zerrougui, ancienne Représentante du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants dans les conflits armés, Mustapha Abbani, représentant de l’Ambassade d’Algérie aux Nations Unies. Le Cheikh Khaled Bentounes prononça le discours de synthèse et fît remettre les actes du workshop à l’assemblée présente ainsi que le texte de la « Déclaration de Paris ».

 

Table ronde avec, de droite à gauche : Bernard Montaud, Lakhdar Brahimi, Mustapha Abbani, William Heinzer, Cheikh Khaled Bentounes, Leila Zerrougui, Hamid Demmou.
© 2017 Aisa, AD

 

Équipe des rédacteurs pilotée par Mohamed Benkhalifa, PhD, président, coach ICF, avocat.
© 2017 Aisa, ASM

 

Le lendemain, 20 mai 2017, une lecture publique de la « Déclaration de Paris » ainsi qu’un débat furent organisés à l’Espace Wagram (Paris). Ils réunirent plus de 300 personnes (citoyens et responsables associatifs, religieux et politiques).

 

La Déclaration de Paris est une étape fondamentale dans le processus qui permettra de déposer une demande de résolution à l’Assemblée Générale des Nations Unies en septembre 2017 à New York. Cette résolution portera sur la proclamation d’une « Journée Internationale du Vivre Ensemble » qui sera le point de départ pour rassembler autour de ce projet la famille humaine à travers des actions qui seront menées dans toutes les parties du monde et en respect des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. Le réseau informel « Synergie 17 ODD » créé par AISA ONG Internationale dans la Déclaration de Paris sera le moyen pour appeler chacun et chacune à participer à cet élan vers une société où la dignité, la justice, le respect, la fraternité et la liberté ne sont pas de vains mots mais une réalité construite ensemble l’un avec l’autre et non l’un contre l’autre. AISA ONG Internationale oeuvre depuis plusieurs années avec de nombreux partenaires dans cet objectif, et l’action du Festival du Vivre Ensemble à Cannes en est un exemple concret, ainsi que la Maison de la Paix créée en 2016 à Almere (Pays-Bas), ou encore les nombreuses actions citoyennes dans les différents pays où AISA possède des antennes nationales.

 

Présentation de la « Déclaration de Paris », 20 mai 2017, Pavillon Wagram, Paris De droite à gauche : Mustapha Abbani, Mohamed Benkhalifa, Cheikh Khaled Bentounes, Hamid Demmou.
© 2017 Aisa, ASM

 

 
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